« Liconter » par Bruno Humbeek
Lire et raconter, voilà deux activités qui chez l’enfant s’emmêlent très rapidement au point qu’il serait peut-être bon d’inventer un mot nouveau, « liconter », pour évoquer cette action emmêlée qui consiste à rapporter l’histoire que l’on est en train de lire au moment même où celle-ci se construit à coup d’images, à coup de mots où à coup de mots mis en images.
La lecture silencieuse et solitaire a été inventée dans les monastères. Elle a évidemment sa majesté et tous les lecteurs connaissent le plaisir intense qu’elle peut procurer mais ce n’est sans doute pas le plus court chemin pour initier le goût de lire. Ce plaisir de lire chez l’enfant se met davantage en place dans un acte partagé, dans un geste qui en même temps lit, dit, regarde et raconte et dans une activité réalisée en commun par laquelle le plaisir de l’un s’accroit au contact du plaisir de l’autre…
Quand la lecture est envisagée comme un geste d’amitié, elle retrouve sa nature profonde celle qui à travers chaque livre relient ceux qui le lisent autour d’un paysage mental commun, celui que l’on construit dès que deux imaginations trouvent l’occasion de se rencontrer sur un territoire commun.
C’est cela un atelier lecture, comme un temps suspendu qui fait de la lecture non pas un acte solitaire qui incite au repli sur soi et à l’introspection mais une activité solidaire qui invite à l’échange joyeux et à la narration.
Et c’est cela que fait si joliment Mme Lindsay quand elle essaime çà et là des ateliers-lectures qui métamorphosent les bancs en « racontoirs », transforment chaque coin d’herbes en pelouse à palabres et mettent le livre au centre de toutes les attentions pour que les enfants apprennent à devenir des adultes capables de penser, d’imaginer et de rêver ensemble
C’est comme cela qu’une enseignante en invitant ses petits élèves à liconter au quatre coins de son école dans sa classe ouverte à tous les vents se fait littéralement jardinière de l’esprit humain en semant merveilleusement les germes d’un monde de demain dans lequel le livre continuera à jouer pleinement son rôle de réservoir d’humanité…
